VIII. La Justice
Nous avons pour la plupart une vision du Moyen-Age comme d’un régime féodal où les seigneurs avaient droit de décision et de justice sur leurs vassaux et leurs terres. Et pourtant dès le XIIème siècle sont apparus des dispositifs d’émancipation des cités, leur laissant la possibilité de se gérer elles-mêmes via des institutions d’une étonnante modernité, en contrepartie d’une redevance versée au seigneur local.
C’est en 1207 qu’Enguerrand III de Coucy accorda une telle émancipation à la ville de La Fère, sous la forme d’une « Charte de Paix ». Ou dans son nom complet, « La Fère, ou charte de la paix, autrement concordat passé et octroyé aux maieur, jurez et hommes de La Fère ». Cet accord doit son titre pacifique à sa particularité d’avoir été conclu spontanément et non en réaction d’insurrection des habitants, contrairement à d’autres « communes » de la même époque.
Les institutions mises en place par cette charte disposaient donc d’un grand pouvoir : elles étaient en charge de toutes les affaires intérieures de la ville, qu’il s’agisse des impôts, la voirie, la police ou la justice. Les « maieurs et jurés » mentionnés dans son titre étaient à sa tête, et étaient élus chaque année le jour de Pâques au suffrage universel à deux tours. En contrepartie la ville verserait une redevance de 100 livres à Coucy.
« De maintenir les droits de La Fère ont soucy
Les maieur et juréz, puisque c’est leur office,
Car le traité de Paix d’Enguerrand de Coucy,
Doiht-il onc estre enfreint ? N’y souffrir proeyudice ?«