Arcanes Majeures

La Tempérance

Le roi Henri IV était particulièrement investi dans le siège de La Fère de 1595. Il séjournait étés comme hivers dans les environs de la cité assiégée afin de suivre l’avancement de ses projets, et notamment de la construction de la digue de 1500 mètres qui devait permettre d’inonder la ville et faire capituler ses habitants. Ce chantier titanesque porté par un ingénieur flamand s’avéra d’ailleurs une grande déception, n’ayant jamais permis de faire monter l’eau plus haut que les mollets de Laférois qui en avaient vu d’autres.

Le roi se plaisait particulièrement à Folembray où il avait fait installer sa maîtresse Gabrielle d’Estrées. Mais d’autres destinations étaient également à son goût, notamment la ville de Chauny où il aimait se rendre pour y profiter de l’accueil chaleureux de la population. Quelle ne fut pas sa surprise, un jour qu’il avait annoncé sa venue, de trouver l’entrée de la ville désertée à l’exception d’un vacher qui faisait paître ses bêtes. Le roi vint s’enquérir auprès de lui de la raison de cette situation, craignant une calamité qui serait tombée sur la population. Le vacher lui expliqua que tous les habitants s’étaient rassemblés à l’autre porte de la ville pour y attendre le roi de France dont l’arrivée était imminente.

Le chaunois, identifié dans plusieurs légendes comme le Vacher Toulemonde, fit honneur à sa réputation et offrit au royal visiteur une corne emplie du vin local qu’il partageait toujours généreusement. Avait-il reconnu son compagnon de boisson d’un jour ? Il est possible que non, car si le roi Henri était déjà réputé pour une hygiène corporelle discutable et des manières assez rustres, plusieurs mois de laisser-aller vestimentaires ne devaient pas arranger son apparence. Henri IV décrivait lui-même dans ses correspondances le triste état de son équipage : « Je n’ai pas un bon cheval à monter ni un harnois complet ; mes chemises sont toutes déchirées, mes pourpoincts troués au coude, ma marmite est souvent renversée, je suis obligé de disner et souper chez les uns et chez les aultres…« .

Ce moment partagé avec Toulemonde n’en fut que plus agréable, et on raconte que le roi vint plus tard retrouver le vacher pour lui remettre une coupe en argent, en souvenir de cet instant de convivialité.

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