II. La Maîtresse
Le 15 Floréal de l’an XIII comme l’écrivait le calendrier républicain à cette époque, la fête de la ville de Beautor battait son plein. Marie-Thérèse Védé, jeune femme de 19 ans tenant avec sa sœur aînée le pensionnat de jeunes filles de La Fère, organisa pour ses pensionnaires une sortie pour profiter de l’événement. Plusieurs de ces jeunes filles étaient apparentées à des officiers de la garnison, et le Colonel directeur de l’arsenal mit à leur disposition une longue barque ainsi qu’un équipage pour la manœuvrer : un domestique du Colonel, un garde d’artillerie et plusieurs pontonniers militaires. Afin d’assurer sa stabilité, la barque était lestée avec des boulets de canon. Était-ce à cause de ce procédé peu orthodoxe ou en dépit de celui-ci, toujours est-il que la barque chavira au cours de la soirée. On dénombra vingt-quatre victimes par noyade, dont la pauvre Mademoiselle Védé et dix-huit de ses pensionnaires.
La ville de Beautor érigea une stèle commémorative à l’endroit de ce tragique accident. Elle est toujours visible à l’entrée du pont de la Grand Rue, mais le passant attentif pourra y noter une petite erreur. En effet les conversions de calendriers ne sont pas toujours choses aisées, et c’est à tort qu’au courant du XIXè siècle on transcrivit le 15 Floréal de l’an XIII en 5 avril 1805 au lieu du 5 mai de la même année. C’est donc désormais à cette date que sera rattachée cette triste histoire.