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I. Les Jeux
En l’an 1187, le sire de Coucy organisa un événement dont on parlerait à des lieues à la ronde : dans la vallée s’étendant de La Fère à Vendeuil se tiendrait un grand tournoi au cours duquel s’affronteraient les plus puissants guerriers des environs et d’ailleurs. Car l’annonce de ces jeux porta fort loin : répondirent à l’invitation les seigneurs de Mortagne, Oudenarde et Quiévrain, les comtes de Blois, Namur et surtout de Hainaut dont les troupes flamandes étaient fort réputées, ainsi que le connétable Montmorency. Les cavaliers ne venaient pas seuls, ils étaient accompagnés de leurs familles et de leurs maisonnées qui s’assemblaient en une foule joyeuse assistant au…
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XVIII. L’Eau
L’histoire de La Fère est intimement liée à l’eau. L’existence même de la ville remonte à la construction de ponts à cet endroit clé de la contrée, permettant aux marchands et voyageurs de franchir un réseau complexe de cours d’eau tumultueux. Au cours des siècles, les propriétés hydrographiques de la région auront joué un rôle essentiel dans la vie de ses habitants. Les plaines inondées offraient aux défenseurs de la place forte une meilleure protection que la plus épaisse des murailles. Le débit de la rivière permettait de transporter par flottaison le bois extrait des forêts environnantes. Et la puissance même de son courant alimentait des moulins pouvant briser les…
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VII. Le Voyageur
Située pendant des siècles au carrefour des grandes voies de circulation reliant les riches villes d’Europe du nord, La Fère était une étape fréquente de voyageurs en tous genres. On peut encore admirer dans les rues les grandes portes des anciens relais de poste, où ceux-ci venaient chercher une nuit de repos et des chevaux frais. Parmi ces nombreux visiteurs d’un soir figurent des noms illustres qui ont laissé de leur passage des récits plus ou moins enthousiastes. Ainsi Victor Hugo en 1835 était attablé dans une auberge de La Fère quand il rédigea une lettre à sa femme Adèle, lui décrivant le charme de la côte menant à Coucy…
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IV. L’Empereur
Napoléon Bonaparte suivait depuis son enfance une formation militaire qui n’allait pas sans difficultés : issu d’une famille de petite noblesse, parlant avec un fort accent corse, le jeune homme était la cible de quolibets de la part de ses camarades de grande famille. Soutenu par de bonnes notes en mathématiques et malgré des lacunes en allemand, Bonaparte put prétendre à intégrer la marine conformément à ses vœux. Mais madame Bonaparte mère s’y opposa et c’est donc en second choix qu’il se rabattit sur l’artillerie. En intégrant à seize ans l’Ecole Royale d’Artillerie de La Fère, le jeune Bonaparte ne fit d’abord pas preuve du plus grand enthousiasme. Dès la…
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La Foudre
La foudre aura longtemps été considérée comme une menace imprévisible, souvent imaginée comme l’expression de la colère d’une puissante divinité. Certains de nos lointains ancêtres avaient pourtant déjà cherché à la comprendre, voire la maîtriser. Ainsi les guerriers gaulois plantaient-ils des épées métalliques dans le sol le long des rivières, dans le but d’attirer les éclairs loin de leur personne. Il sera plus tard coutume au moyen-âge d’enterrer des cloches dans le même but. Si les habitants de La Fère ont ainsi nommé le lieu-dit du « trou-tonnerre », à l’ouest de la ville, c’est probablement après avoir observé que l’endroit avait la propriété d’attirer la foudre. Était-ce le fait de propriétés…
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Le Bois
On trouve jusque dans les récits de Jules César la description des grandes forêts du nord de la Gaule qui rendaient si difficile la progression de ses légions. Celle qui s’étendait entre les emplacements actuels de La Fère, Laon, Chauny et Soissons prendra le nom de forêt de Voas. Elle abritait disait-on un de ces géants si fréquents dans les contes celtiques, qui contribuèrent au fil des siècles à la légende de Gargantua. Est-ce donc ce dernier ou le géant de Voas qui, en décrottant ses chaussures, créa les buttes de Laon et celle de Saint-Gobain ? Nous laisserons le lecteur en décider. Le bois extrait de cette forêt constituait…
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La Tempérance
Le roi Henri IV était particulièrement investi dans le siège de La Fère de 1595. Il séjournait étés comme hivers dans les environs de la cité assiégée afin de suivre l’avancement de ses projets, et notamment de la construction de la digue de 1500 mètres qui devait permettre d’inonder la ville et faire capituler ses habitants. Ce chantier titanesque porté par un ingénieur flamand s’avéra d’ailleurs une grande déception, n’ayant jamais permis de faire monter l’eau plus haut que les mollets de Laférois qui en avaient vu d’autres. Le roi se plaisait particulièrement à Folembray où il avait fait installer sa maîtresse Gabrielle d’Estrées. Mais d’autres destinations étaient également à…
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Athos
C’est au chapitre XLV du roman feuilleton les Trois Mousquetaires, dans un soupir de la redoutable Milady de Winter, que nous est révélée l’identité du plus noble des trois compagnons du jeune d’Artagnan : Athos ne serait autre que le comte Olivier de La Fère, descendant d’une lignée qui aura servi le François 1er en personne. De bien belles origines qui sont d’autant plus remarquables qu’elles ont été inventées par l’auteur. Alexandre Dumas père, lui-même natif de Villers-Cotterêts, aimait à ancrer dans les terres picardes et du nord de la France les aventures de ses personnages. Mais il assumait également les libertés que ses récits prenaient avec la vérité historique.…
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Les Amants
C’est dans le cadre du grand tournoi de La Fère de 1187 que commence le Roman du Châtelain de Coucy et de la Dame de Fayel, rédigé au XIIIè siècle en langue picarde et en vers. On y raconte comment Renaut, sire de Coucy, était follement épris et aimé en retour de Gabrielle de Vergy, dame de Fayel mariée à un époux possessif. La passion des amants se voulait discrète, mais au cours des festivités leurs regards enflammés n’échappèrent pas à une femme jalouse qui s’en alla les dénoncer au mari trompé. Ce dernier attendit patiemment l’occasion d’exercer sa vengeance. Renaut partit en croisade, emportant avec lui dans un coffret…
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La Bête
En l’an 1580, la septième guerre de religion faisait rage. Le prince de Condé, gouverneur de Picardie et chef du parti protestant, s’empara par surprise de la ville de La Fère dont il voulait faire sa place forte en cette province. Pour reprendre la ville, Henri III dépêcha huit mille hommes, trois mille chevaux et quarante pièces d’artillerie. Le temps était clément en ces mois de juin à septembre, les victuailles étaient abondantes, de sorte que les assiégeants festoyaient aussi fort la nuit qu’ils combattaient le jour. Ces conditions pittoresques donnèrent à l’événement le surnom de « Siège de Velours ». Et la Bête me direz-vous ? Et bien parmi les troupes…