XII. Les Pendus
Contrairement à son père surnommé le Bâtisseur, Enguerrand IV de Coucy était réputé pour sa violence et son impulsivité. On se souviendra de lui au travers d’une des plus grandes affaires judiciaires de la France du XIIIème siècle.
Celle-ci commence par l’arrestation dans les bois de Coucy de trois jeunes nobles flamands par les hommes d’Enguerrand. Les jouvenceaux résidaient à l’abbaye de Saint Nicolas aux Bois où ils apprenaient le français, mais le Sire de Coucy les accusa de braconnage sur ses terres et les fit pendre sans autre forme de procès.
L’affaire parvint aux oreilles du roi Louis IX , qui était comme chacun sait très attaché à la bonne application de la Justice. Il fit arrêter Enguerrand et conduire à la prison du Louvre pour jugement. L’événement était de taille de par l’importance de l’accusé qui pouvait prétendre être un des hommes les plus puissants du royaume. Il refusa d’ailleurs l’autorité du Parlement de Paris, et n’accepta d’être jugé que par un conseil de ses pairs, ce qu’il obtint. Au terme de débats houleux, Coucy imposa une suspension de séance et quitta le tribunal suivi de la plupart des seigneurs de l’assistance. Cette démonstration de force fragilisait l’autorité royale, et Saint Louis se devait d’y répondre avec la plus grande fermeté.
On raconte que Louis IX envisagea un temps d’appliquer la loi du talion et de requérir la pendaison d’Enguerrand. Une telle condamnation aurait été révolutionnaire en ces temps où les seigneurs n’étaient condamnés à mort qu’en cas de haute trahison, et le roi dut y renoncer. La sanction définitive sera néanmoins particulièrement lourde, et marquera durablement l’esprit des contemporains de l’affaire : le Sire de Coucy fut condamné à verser une amende de 10 000 livres, à céder à l’abbaye de Saint-Nicolas les bois où avaient été capturés les jeunes gens, et à partir trois ans en Croisades (cette dernière sanction sera convertie par le Pape en une amende de 12000 livres supplémentaires). Ces sommes constituaient pour l’époque une véritable fortune, et permirent la construction de l’hôpital de Pontoise, des écoles des Dominicains de la rue Saint-Jacques et de l’église des Cordeliers de Paris.
« L’affaire du Sire de Coucy » est encore aujourd’hui l’un des récits les plus connus du règne de Saint Louis.