I. Les Jeux
En l’an 1187, le sire de Coucy organisa un événement dont on parlerait à des lieues à la ronde : dans la vallée s’étendant de La Fère à Vendeuil se tiendrait un grand tournoi au cours duquel s’affronteraient les plus puissants guerriers des environs et d’ailleurs. Car l’annonce de ces jeux porta fort loin : répondirent à l’invitation les seigneurs de Mortagne, Oudenarde et Quiévrain, les comtes de Blois, Namur et surtout de Hainaut dont les troupes flamandes étaient fort réputées, ainsi que le connétable Montmorency.
Les cavaliers ne venaient pas seuls, ils étaient accompagnés de leurs familles et de leurs maisonnées qui s’assemblaient en une foule joyeuse assistant au spectacle du haut des gradins installés pour l’occasion. Les femmes portaient leur plus belle toilette, car c’est pour leur amour que les chevaliers s’affrontaient en lice. Ces derniers avaient également apprêté leurs armures pour l’occasion, décorant d’or leur heaume ou leur écu.
Bien des lances se rompirent, bien des cavaliers chutèrent, mais chaque soir tous se retrouvaient à Vendeuil dans un festin tout aussi animé. Ils y paradaient au son des trompettes et des tambours avant de s’asseoir à l’une des vingt tables qui y étaient dressées, pour y savourer les mets et boissons les plus raffinés, chaque couple partageant la même assiette et la même coupe.
L’apothéose de l’événement fut l’affrontement de Coucy et de Chavigny. Leurs joutes étaient si violentes que lances, écus et mentonnières se brisaient sous les impacts, sous les acclamations des spectateurs. Malgré les chocs, les chutes et les blessures, les cavaliers remontaient en selle pour s’élancer à nouveau. Mais la troisième charge fut si terrible que les chevaux s’effondrèrent et les deux hommes chutèrent au sol, inconscients. Leur évanouissement ne fut cependant que passager, à la grande surprise de l’assistance qui s’apprêtait déjà à faire le deuil de si fiers combattants, et c’est à l’unanimité que les deux adversaires furent désignés comme les vainqueurs de ces jeux.